TÉMOIGNAGE- ma descente aux enfers

Publié le 14 Avril 2010



Mon histoire débute quelques jours avant Noël 1993. Cette année là, le monde s'écroule autour de moi, je me retrouve seule avec mon bébé d'un an. En janvier 1994, l'espoir renaît : on me propose un poste de secrétaire dans une agence immobilière.


Lundi 09 décembre 2002

Aicha 

 
 
"J'ai tout accepté par peur de perdre mon emploi. J'ai du souvent composer avec un employeur au caractère difficile que je ne devais surtout pas contrarier.."


 
 

 

Ce domaine de l'immobilier m'est totalement inconnu mais je désire satisfaire mon futur employeur. C'est ainsi que le code civil deviendra mon livre de chevet pendant de longs mois..... Mon patron me prend en " stage de formation " non rémunéré, le temps que je devienne opérationnelle. Je travaille dans son agence du lundi au samedi inclus...... Avec mon bébé, ce n'est pas facile ! Mais si c'est le prix à payer pour obtenir un bon job, alors je dois accepter ces conditions..... Et puis, dans ma situation, ai-je vraiment le choix ? J'ai travaillé dans ces conditions pendant une année !!!!!!! Je percevais 200 francs par ci, par là !!!!!!! En novembre 1994, mon patron apprend qu'une prime est offerte par l'ANPE pour tout emploi créé, il me fait alors, signer un contrat à temps partiel.

A cette époque, je n'étais plus aussi enthousiaste, j'avais déjà pu découvrir " certaines faces cachées de l'immobilier ", un monde pas très honnête...... Mais cela n'est qu'un détail comparé à ce que je découvrirai plus tard...... Au bout de quelques temps, Je deviens autonome et mon patron n'hésite pas à me confier l'agence plusieurs semaines lors de ses congés et aussi bien en secrétariat, qu'en comptabilité en passant par la prospection commerciale...... Mon salaire n'était pas vraiment mirobolant : un SMIC à temps partiel (à l'époque 2700 Francs). Heureusement pour moi, je perçois un complément RMI. Prétextant qu'il n'avait pas les moyens de m'augmenter, il me fait miroiter, une part des bénéfices en fin d'année...... Inutile de vous préciser que je n'ai jamais vu la couleur de ces bénéfices !!!!!!! J'ai tout accepté par peur de perdre mon emploi. J'ai du souvent composer avec un employeur au caractère difficile que je ne devais surtout pas contrarier.

Au fil du temps, il se révèle être un personnage caractériel, autoritaire, désirant gouverner tout son entourage y compris sa secrétaire. Il décide et se permet un jugement sur tout et tout le monde et gare à ceux qui ne pensent pas comme lui, car bien sur, ce Monsieur possède la science infuse !! Il aime connaître la vie privée des gens et il se permet de me poser des questions fort indiscrètes... Une habitude, qu'il applique même à des clients même s'il les connaît depuis longtemps. La campagne des élections municipales fut ce que j'appellerai, " La cerise sur le gâteau ". Mon patron se présente sous les couleurs du Front National. Lorsque pour des raisons professionnelles, nous passons devant l'hôtel de ville, ce dernier pointe son index en direction de la mairie et à l'image d' E.T, il dit " Maison François !" (François étant son prénom). Son intolérance et son mépris n'ont plus de limites. En ce qui me concerne, mon aversion et mon dégoût à son égard, ne faisaient qu'amplifier. Ses amis devenaient mes ennemis et ses ennemis devenaient mes amis. C'était mon côté révolutionnaire à moi !!!! En parallèle, je me convertis à l'Islam..... Ne pensez pas que cette conversion fut un acte de révolte ! L'Islam était en moi depuis plusieurs années déjà..... Vous expliquer, ce que je ressentis à ce moment, n'a pas sa place ici, mais ce fut un vrai miracle de libération mentale...... Bien évidemment, je n'en dis rien à mon entourage professionnel. Personnellement, cette conversion n'était pas une nouvelle identité mais une question de foi profonde qui avait envahi mon intimité. Extérieurement, je restais la même mais je possédais une puissante force intérieure. Les élections eurent lieu mais heureusement, il ne fut pas élu maire, seulement conseiller municipal... Les réunions du conseil sont devenus à ce moment là, de vrais petits spectacles dans lesquels il se montrait mordant, agressif, tournant en ridicule les autres conseillers.

Coté professionnel, il me laisse toujours carte blanche, délaissant son agence pour son nouveau dada, la politique. Je fais tourner l'entreprise à moindre frais puisque je suis toujours au SMIC à temps partiel. Je prends même l'habitude de ramener chez moi, les dossiers urgents que je n'ai pas le temps de traiter au bureau… Quand on est bête, c'est à 100%, non ? Il répéte à qui voulait l'entendre que " je suis le cœur de son agence ! ". Cela ne nourrit pas son homme mais c'est un beau compliment quand même !!!! Cependant, j'ai de plus en plus de difficulté à accepter le personnage : celui-ci s'entraîne au tir chaque semaine, et lorsque j'arrive au bureau le lundi matin, s'étalent devant mes yeux, des cibles aux effigies des maghrébins.... Les honoraires d'agence pour les transactions doublent quand le client est typé, et bien souvent, il est " invité " à régler en espèces !!! Une telle injustice me révoltait et quand j'osais lui en parler, il me répondait " Faut bien qu'ils servent à quelque chose tous ces rats ". Dans cette ambiance de haine, mon travail commence à s'en ressentir, je n'ai plus l'entrain nécessaire..... Je prend mes distances, refuse de déjeuner avec lui ou même de prendre un café. Cela lui déplait et il me fait des réflexions désagréables même devant les clients..... Un jour n'y tenant plus, je lui dis clairement que notre relation amicale est bien révolue et que je ne supporte plus son attitude. Ayant été amenée à voyager en Egypte deux fois en un an, ce monsieur en a tout de suite conclu que j'avais une relation amoureuse dans ce pays. Il est devenu complètement fou me traitant de " femme à Arabes " et j'en passe !!! Les propos racistes augmentent de façon considérable. Quand ses " amis " venaient lui rendre visite au sein de l'agence, il n'hésite pas à leur demander : " On descend faire une ratonnade ce week-end ? " . Un jour, il perd tout contrôle..... Je rentrais alors d'Egypte et il décide de " fouiller " mon sac personnel afin de savoir si son agence est salie par sa secrétaire et si ce sac contient des traces prouvant ma relation avec un Arabe. Il veut donc s'en emparer, je me défend. Emporté par la colère, il soulève mon bureau et me le projette sur moi, me blessant au bras, à la main et aux cuisses. Je consulte un médecin qui ne peut que constater les coups..... Je sombre dans une lourde dépression. Je tente de lui faire comprendre que ces conditions de travail ne sont plus supportables mais lui, se contente de rire : " Tu en trouveras beaucoup de patrons comme moi qui t'acceptent dans ces conditions ? " Je me suis toujours demandée quelles pouvaient être ces conditions qui paraissaient si inavouables !!!! Ce " petit enfer " se transforma en " grand enfer " lorsqu'un jour en arrivant au bureau, il m'agresse verbalement devant un client. Voyant que je ne réponds pas à ses provocations, il s'étonne " tu ne dis rien ? " A ce moment précis, je me suis faite un réel plaisir : " Eh non ! Tu vois, je ne réponds pas, car aujourd'hui, c'est mon premier Ramadan et je me sens bien " . Vous décrire sa colère ne servirait pas à grand chose ..... Mais à partir de ce jour, dès qu'un client étranger se présente, il lui dit " Le bureau des étrangers, c'est au fond " . Je les recevais et entre nous, jamais autant d'étrangers n'ont pu être logés sans qu'il leur soit exigé plus de garanties que celles réclamées pour des Français !!!! J'ai au moins fait des heureux !!!!!! Un jour, il voulut soit disant " faire la paix " et il m'invita à dîner avec ma fille....... Voici le menu : salade aux lardons - jambon en raclette - et pour terminer fromage de chèvre au bacon !!!! Le tout arrosé d'un " bon " Bordeaux ! Inutile de vous dire que je n'ai pas touché au repas et combien en rentrant chez moi, j'ai apprécié mon sandwich ! Pour le dessert, il me proposa une importante somme d'argent pour " être à lui " ( 500.000 francs ). Ma réponse le rendit complètement fou " Tu ne peux pas m'acheter car je ne suis pas à vendre " Deux mois après cette soirée, une jeune femme venant de l'Est devint son épouse ! En juin dernier, je refais une grave dépression. Sur les conseils de mon médecin traitant, qui connaît parfaitement l'individu qui m'emploie depuis 8 ans, je donne ma démission. Je me rends compte qu'il est temps pour moi de sauver le peu qu'il me reste de santé morale. Je décide d'engager une procédure auprès du conseil des prud'hommes. Mais cette dernière ne peut aboutir car je ne dispose d'aucun témoignage venant confirmer mes déclarations. Certains clients contactés ont refusé ! Dans cette petite ville de la France profonde, ce sont les grandes gueules qui font la loi et on craint la justice et les représailles....... C'est d'ailleurs, ce qui explique que je conserve moi-même, l'anonymat.

J'ai essayé de relater au mieux, passant sur certains détails qui malgré tout avaient toute leur importance mais qui auraient été trop long à dire... dénonciation de sans papiers, vol de passeport, et j'en passe !!!!!!!

Inscrite au RMI, je n'ai plus de statut social.... Tout se termine bien... Il n'a plus de secrétaire qui prie comme les " bougnouls " ( il aime bien cette expression ) et je tente de retrouver une santé perdue depuis longtemps, mais la liberté et la dignité n'ont pas de prix !!!!!!

|©Fidès