Témoignage de Tazounette, 35 ans: Comment je me suis sortie des griffes d’un PN

Publié le 11 Mars 2011



Quand je l’ai rencontré, j’avais 17 ans à peine. J’ai eu un coup de foudre violent. Il était alors accompagné. Nous nous sommes vus peut-être 4 fois en plus d’un an et demi. Et nous étions amoureux. Enfin, moi je l’étais. Déjà éperdument. J’étais une ado plutôt sauvage, très solitaire, en retrait. Je faisais néanmoins partie d’un groupe d’amis. C’était le meilleur ami de mon meilleur ami. Pour moi, c’était un signe de confiance…

Physiquement,  il était tout ce que j’aimais chez un homme, il avait une telle assurance que tout de suite j’ai pensé qu’il me protégerait. Quand je parlais, il m’écoutait vraiment. Il avait une voix rassurante, très grave et il parlait avec douceur. Il me disait des choses belles, romantiques. Nous dansions. Un matin, il m’avait remis la couverture dans mon cou. Bref, j’avais craqué. Un an et demi après notre première rencontre, il est arrivé seul à une soirée et nous avons concrétisé. Il était mon premier amour. Il était militaire. Il travaillait à 200 kilomètres de chez moi, là où je faisais mes études, et il lui arrivait de faire la route en milieu de semaine, de faire le mur pour me retrouver. C’était si romantique. Et il faisait tout ça pour moi… (Enfin, pour lui, mais je ne le savais pas…).

La première fois qu’il eût un comportement qui me fit le craindre, c’était au bout de 3 semaines ou d’un mois. Il était dans la cuisine. En train de cuisiner et nous avions une conversation, durant laquelle j’ai eu le malheur de le défier. Je ne me souviens plus du propos, une bêtise sûrement. Il m’a demandé de changer de pièce et je n’ai pas voulu. Il a levé la poële, pris un regard noir et a hurlé « maintenant tu dégages, c’est clair ? »…J’ai eu peur. Et il a ri, ri aux éclats de voir ma peur dans mes yeux…

Ce genre de réactions arrivait rarement au début. Si bien que je l’excusais et que je me dépêchais d’oublier... Nous étions dans un amour passion, c’était blanc ou noir. Pas de routine, pas de calme. Toujours des hauts et des bas. Et ses mots constants pour dire à quel point j’étais la plus merveilleuse. Nous avions la plus belle histoire. Il était le meilleur pour moi. Toujours dans la surenchère verbale et sentimentale. Enfin pour moi. Lui aimait l’image que je lui renvoyais de lui-même. Il n’aimait que lui-même. Et sûrement que j’aimais l’image qu’il me renvoyait de moi-même. Sauf quand il se mettait en colère. Dans ces cas-là, je me sentais comme une gamine prise en faute. Il était le père autoritaire, qui appuie là où ça fait mal. Seul moyen de sortir de ce rapport : lui demander des excuses et m’aplatir. Lui montrer que je m’en voulais d’avoir agi de la sorte. Il laissait durer un peu. Me disait bien que j’avais été nulle ou que je lui avais fait mal, puis il gardait le silence. Un silence qui était une torture. Un temps qu’il jugeait suffisant. Durant lequel la culpabilité naissait en moi. Il en jouait puis arrêtait à sa guise quand cela avait été suffisant.

Au bout de 2 ans et demi, nous avons traversé notre première crise. Cela est venu d’un mensonge. Un mensonge sur une chose intime. Quelque chose dont il n’aurait pas dû se mêler. Il était jaloux, très jaloux. Il ne me pardonna pas ce petit mensonge. Et se mit à douter de tout ce que je lui avais dit avant. Sur moi. Sur ma virginité qui était pour lui fondamentale. En fait, il ne m’aimait pas. Il n’aimait que ce que je représentais à ses yeux. Mettre en doute cela, c’était mettre en doute mon intégrité, mon amour pour lui, en somme. Il rentra dans une espèce de folie, qui aurait dû me faire prendre mes jambes à mon cou. C’était trop tard, j’étais déjà « embrigadée ». Pendant plus de 2 mois il me passa littéralement à la « question ». Un interrogatoire de type militaire. Propre à générer un véritable lavage de cerveau sur mon passé. Mon passé avant lui. Des interrogatoires jour et nuit. Il ne me laissait pas dormir, juste rejouer mon passé, l’histoire précédente, celle avant lui, où il y eut des embryons de sensualité. Décortiquer pour savoir si oui ou non on « l’avait fait ». Rien ne fut fait. Que des essais. Infructueux puisque je n’étais pas prête. Au bout de 3 mois à ce régime, sans dormir, ni manger. A maigrir et souffrir qu’il ne me fasse plus confiance, je finis par ne plus savoir si oui ou non, on « l’avait fait ». C’était le but de sa manœuvre, et il devint fou quand il se rendit compte qu’il avait réussi à me faire douter moi-même. Il en vint à vouloir que je retrouve cet ex pour pouvoir lui poser la question lui-même, directement. La honte, l’humiliation que j’éprouvais alors est impossible à décrire. Je le retrouvais, il alla au bout de son idée, lui demanda et il répondit la vérité. Vérité que je lui avais répétée si souvent mais qu’il ne voulait pas voir sortir de ma bouche.

Ni de la sienne, puisqu’il finit par nourrir un autre doute, vu que j’étais présente, forcément il avait dit ce qui m’arrangeait. Il décida de le revoir seul à seul. Comme ce qu’il lui dit était la même chose, il nourrit une véritable haine pour moi. Puisque j’en étais venue à douter de cela, cela voulait dire que peut-être j’aurais voulu que ça arrive, que ça se passe autrement. Il recommença ses questions, il ajouta des gestes d’exaspération. Il me frappa à plusieurs reprises. Et moi, je devais m’excuser d’en arriver à le pousser à faire cela. Il ne vint plus me voir pendant un certain temps. Temps que je passais à me torturer moi-même. La culpabilité à son paroxysme et la peur, si immense et démesurée qu’il me quitte. La dépendance créée par ce type de comportement est à peine imaginable. S’il me traitait comme ça c’est qu’il souffrait. S’il souffrait autant c’est qu’il m’aimait. Très fort, trop fort. Je mis les choses à plat. Ma mère me conseilla de faire un tableau avec le pour d’un côté et le contre de l’autre. Selon la colonne la plus remplie, j’aurais ma réponse. Je fus surprise parce qu’il y avait autant de pour que de contre. Tout ce qu’il avait été pour moi et qui me faisait l’aimer, il était depuis des mois son exact contraire. L’exact contraire de lui-même. Mr Jekyll et Mr Hyde. Je n’en l’aima que davantage. Quelle souffrance avait réveillé ce diable-là. Quelle souffrance par amour ? Je ne vis qu’une seule chose : je l’aimais toujours. Misère d’autosuggestion qui fait aimer son bourreau plus que sa propre sécurité. Je me suis rejetée à corps perdu dans ses bras. Il n’accepta de reprendre notre histoire qu’à une seule condition : que j’accepte de porter tous les torts de notre crise. J’étais naïve. J’ai accepté. Et nous avons repris notre histoire « comme si de rien n’était ».

Le mariage suivit. Puis de belles années de bonheur. Un second souffle. Malgré quelques crises d’autorité de temps en temps, que je planquais bien vite sous un mouchoir en me regonflant à coup d’auto suggestion pour faire passer la pilule. Le meilleur pour moi. La plus belle histoire d’amour, la plus grande, la plus violente aussi. Bref, la vie quoi…

Puis vint la naissance de notre fille. Il comprit bien vite qu’il n’était plus le centre de ma vie. C’était ma fille. Il n’était plus le seul à occuper tout l’espace de mon cœur ni de mon esprit. La seconde suivit à quelques mois d’intervalle. Il redevint petit à petit le fou qu’il avait été durant notre première crise Il était jaloux. Il se refusait à être père. Il me dédoubla. Je devins la mère et la femme. L’une contre l’autre. La mère contre lui, la femme pour lui. C’est comme ça qu’il me voyait. Qu’il me considérait. Vouant une haine sans nom à la mère. Luttant contre elle avec les armes psychologiques qu’il maîtrisait si bien : la culpabilité, l’humiliation constante (Mr Hyde était de retour). Il essayait de réveiller la femme constamment. Des gestes déplacés devant les filles, pour ne plus voir la mère. Et j’encaissais. J’encaissais pour mes filles. Elles étaient ma force désormais. Je n’ai plus plié comme par le passé. Je l’ai écouté, j’ai continué à l’aimer. J’étais fidèle au plus haut point. Pour moi le mariage était sacré, interdit de le briser. Supporter à tout prix. Il redeviendrait bientôt le Dr Jekyll que j’avais tant aimé. Mon amour l’aiderait à vaincre Hyde. C’est ça que je me disais constamment. Malgré les souffrances qu’il m’infligeait, les humiliations. Le passé reviendra. C’est sûr. On s’aimait si fort. Une crise et hop.

Sauf qu’il n’y eut pas de hop. Que la crise s’amplifia. Il prit une maîtresse, qu’il ne me cacha pas. Il laissa traîner des choses de son histoire (des mots, SMS, lettres) dans notre appartement. Le but était de m’évincer de chez moi. Je ne travaillais pas à l’époque. Je gérais les filles et le foyer. Le but était que je me sente en trop. Tolérée mais plus chez moi. Il y parvint très bien. Puis il eût une seconde poule. Et moi, je prenais sur moi. C’était de ma faute de toute façon s’il allait voir ailleurs, je n’étais plus femme, je n’étais que mère. De ma faute si je ne remplissais plus ses besoins. Je m’en voulais. Je me torturais de ne plus vouloir de lui… J’ai essayé de me changer. La fidélité était pour moi fondamentale ? J’accepterai qu’il se partage, la vie est longue, pourquoi ne pas redéfinir notre couple, après tout, ça doit être possible ? Je pesais 43kg, je ne mangeais plus, ne dormais pas plus. Ma tête tournant dans tous les sens, sans savoir où était l’issue. Mes valeurs tenaces d’un côté, mes croyances et le vécu de l’autre. Je survivais et ne savais plus ce qu’il me fallait pour vivre à nouveau…

Et plus que tout, dès que nous étions « en famille », je m’en voulais d’aimer ça, d’aimer mes filles à ce point-là.  Durant ces 2 années de calvaire (le temps que dura la 2ème crise), je regardais mes filles, leurs yeux et plus je les regardais, plus je les aimais, plus j’avais envie de les protéger, plus je me disais « je n’ai pas le droit, je n’ai pas le droit de leur montrer que c’est ça l’amour, que c’est ça qu’elles doivent attendre d’un homme ». Et plus je me répétais ça, plus je les regardais. C’est là, uniquement en elles que j’ai puisé la force pour m’extirper de ce poison. Il partit une première fois en mission 4 mois pour oublier sa première poule, pour redonner une chance à nous deux. Pendant ces 4 mois j’ai joué à fonds la carte de l’auto suggestion. Au lieu de partir, je me suis persuadée que tout était encore possible que je n’aimais que lui…Et zou, hypnose. Lorsqu’il est revenu, je l’aimais comme au premier jour. Sauf que non, pas vraiment. Je n’ai pas pu étendre mon mouchoir à outrance. Les yeux s’ouvraient sur l’inacceptable qu’il parvenait à me faire accepter. En cherchant bien, j’ai trouvé qu’en fait il avait eu une poule là-bas, et qu’il avait oublié sa poule juste parce qu’il en avait mis une autre à la place. Ce fut la goutte d’eau. LA goutte qui fit déborder le vase. Mes yeux ne se refermeraient plus aussi fort qu’avant.

Je compris que ma seule solution serait de diminuer son influence. Donc m’éloigner. J’avais travaillé en Belgique et je savais qu’avec des CDD je pourrais y retourner. J’ai contacté une amie que j’avais gardée, une ancienne collègue. Nous sommes parties en vacances ensemble et à notre retour, je retournai voir l’équipe, mon ancien chef. J’avais de la chance, une secrétaire était sur le point de partir, il pourrait me réembaucher comme intérimaire. Bingo. Pendant qu’il était en vacances, j’organisais tout, mon dossier pour la boîte d’intérim et touti quanti. Ma copine m’hébergerait… Je le mis devant le fait accompli. Il était d’accord. Il aimait l’argent, une femme indépendante le flattait. Nous avons trouvé une crèche pour les filles. Nous nous verrions en famille le week-end.

Lorsque je fus seule, j’étais toujours aussi perdue. La distance ne me donnait aucune réponse. Je décidais de commencer un travail psy. J’avais besoin d’aide et je ne trouverai pas la solution toute seule. Je me décidais pour l’analyse transactionnelle (l’AT part du postulat que lorsqu’on est tout petit, on met en place des mécanismes d’actions ou de réactions pour se faire aimer des gens, mécanismes qu’on reproduit indéfiniment dans toutes les situations, travail, amis, amour, l’AT propose de remonter à la source de ces programmations pour déprogrammer et retrouver la liberté). Très vite elle me parlait des « manipulateurs de l’amour ». Elle me prêtait un livre. Je découvrais que d’autres vivaient le même genre d’histoire. Que ce n’était pas une fatalité et que ce problème portait un nom. Je mis 6 mois avant de pouvoir assumer le fait que je voulais me séparer. 6 mois avant de pouvoir affronter ma peur de le quitter. Et je le fis. Il continuait à me culpabiliser, surtout concernant les filles « Tu brises notre famille, tu me prives des filles, il faut que tu vives avec cela !». Il a continué à tenter de maintenir son influence, à remuer les mécanismes, les enjeux. Mais grâce à mon travail psy qui avançait je comprenais la façon avec laquelle je devais agir. J’affrontais ma culpabilité, je l’ai terrassée petit à petit.

Le travail psy m’a permis de comprendre pourquoi, pourquoi j’étais tombée là-dedans. Remonter à l’enfance, guérir la petite fille que j’étais pour déjouer les pièges que je me tendais toute seule. Trouver la confiance en soi. Si indispensable pour connaître un amour équilibré et respectueux. J’ai guéri en 3 ans. 3 ans de séances hebdomadaires.

Ces séances de psy ont tout soigné de moi : la femme, la mère, la fille… Je suis devenue la mère que je voulais être, sans influence néfaste d’aucune sorte. Les filles ont très bien géré la séparation. Je leur ai expliqué pourquoi. Et aujourd’hui elles sont très équilibrées. Savent qu’elles ont deux maisons, deux familles et plein, plein d’amour.  Elles sont heureuses. Je surveille de loin les rapports que le père installe avec ses filles. Je surveille qu’il ne les manipule pas, qu’ils ne les fassent pas culpabiliser d’être loin de lui…

Il y a 2 ans, par internet, via mon blog, j’ai rencontré un homme. Un homme « bien ». Un homme merveilleux. Et c’est avec lui que j’ai compris que j’avais changé « de l’intérieur ». Je ne cherche plus le même genre d’hommes. Il n’est pas hautain, il n’est pas narcissique, il doute aussi de lui-même. Il est doux, respectueux. Il me laisse ma place, il m’aide à me hisser vers le haut. Il ne me coupe pas les ailes. Il les déploie. En parallèle mon divorce a été prononcé en septembre dernier. Ne me sentant pas capable de mener une guerre « contre » lui, j’ai opté pour un divorce à l’amiable. Je suis partie sans rien. Juste le nécessaire pris dans ma fuite. Je lui ai tout laissé. Il a mis plus d’un an à me donner les papiers nécessaires.

Aujourd’hui et grâce au travail psy, nous nous entendons plutôt bien. Nous oeuvrons pour le bien des filles et c’est bien là l’essentiel. Je ne suis pas tombée dans la rancœur ou la haine. Je n’ai pas fait d’amalgame entre l’homme et le père. Justement pour ne pas ternir l’image de leur père à mes filles. Car le père, n’est pas l’homme. Et je n’ai jamais influencé le regard de mes filles. Je ne les ai pas poussées à douter de lui. Jamais d’avis qualitatif. Je me taisais, si j’ai des questions, j’y réponds librement. Et elles sont heureuses aujourd’hui, qu’on s’entende bien. Ca les conforte dans notre choix. La haine ne m’a jamais guidée, je m’en suis toujours gardée, parce que celui qui souffre le plus c’est celui qui la ressent, non celui sur lequel on la porte… Et haïr c’est continuer le lien. Lâcher-prise. Etre indulgent sur ce qu’on a vécu, sur ce qui nous a fait tomber dans le piège et se pardonner cette erreur. La résilience, c’est le secret pour recommencer sa vie et oser y croire de nouveau.

Ce qui est sûr c’est que je n’aurais pas cherché à guérir de ma propre histoire, je serai retombée dans le même genre de piège. J’aurais trouvé un homme, peut-être différent extérieurement, mais avec le même poison à l’intérieur.

Je sais aussi que j’ai la force et la maturité désormais pour partir à temps, si besoin.

Donc, oui, on peut sortir de ce genre d’histoire, on peut même en guérir, on peut faire confiance de nouveau, à condition de comprendre le pourquoi. Le pourquoi on a tellement agi contre soi-même.

J’ai gardé une photo d’identité que j’avais prise à mon arrivée en Belgique, il y a 3 ans et demi. J’apparais maigre, décharnée, les cheveux filasse, le regard vide. Sans vie. Une ombre de moi-même. Je la garde. Juste pour ne pas oublier. Ne pas oublier ce courage que j’ai eu pour me sauver de lui autant que de moi-même.

Ne jamais oublier qu’elle aussi, c’était moi…

Rédigé par Kilou

Publié dans #Des mots sur des maux, témoignages

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E
<br /> Je suis un jeune homme âgé du même âge qu'à tes débuts je trouves que tu as beaucoup de courage tes enfants ont la chance d'avoir une Mere si forte mentalement je te souhaite énormément de bonheur<br /> et de réussite pour ta famille<br /> <br /> <br />
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