Non, il n’est pas obligatoire d’aimer ses parents…

Publié le 26 Juin 2010

« Dévalorisations, menaces, coups, chantage affectif, mépris, enfermements, privations, humiliations, insultes (…) Il est important de dénoncer cet état de fait » nous dit Isabelle Filliozat, psychologue et psychothérapeute dans son livre : Je t’en veux, je t’aime (1). « De nombreux enfants souffrent, encore aujourd’hui. (…) Si les enfants sont effectivement moins frappés et plus écoutés que ceux d’hier, le véritable respect est encore loin. Il y a des parents dont la violence est terrifiante (…) et quiconque a travaillé avec des enfants maltraités sait combien ces derniers cherchent plutôt à protéger leurs parents, à minimiser l’impact des agressions dont ils sont victimes. (…) Cessons de protéger à tous prix l’image idéalisée des parents. Cessons d’accorder à ces derniers un pardon inconditionnel sous le simple prétexte qu’ils sont nos géniteurs. (…) La norme sociale qui a édicté qu’il est interdit d’accuser ses parents a été édictée par… eux. » (1)

 

« Non, tous les parents n’aiment pas leurs enfants, nous dit toujours Isabelle Filliozat. Non, tous les parents ne font pas du mieux qu’ils peuvent. » (1)

 

Mais paradoxalement, la maltraitance « claire » est parfois moins toxique que celle qui s’exerce de manière larvée, insidieuse et sournoise. Car les parents maltraitants « ne sont pas tous coupables de sévices, d’abus sexuels ou alcooliques, écrit Danielle Rapoport, psychologue attachée aux hôpitaux de Paris, dans sa préface au livre : Parents toxiques de Susan Forward (2), certains sont dominateurs, critiques, méprisants, manipulateurs ou tout simplement démissionnaires et incapables d’offrir le moindre soutien. »

En effet, « lorsque la maltraitance parentale n’est pas vraiment manifeste pour un regard extérieur à la famille, ces enfants ne peuvent être aidés, tant que la « toxicité » affective et éducative de leurs parents (…) n’a pu être décelée, reconnue, parlée. Mais, dans la réalité quotidienne, ces enfants devenus adultes sont frappés par la nocivité répétitive de certains de leurs comportements, porteurs de conflits ou d’échecs ; ils s’étonnent de leur permanence et de leur ampleur et ne les relient pas toujours à leur enfance parce que leurs attitudes sont différentes de celles de leurs parents, inattendues, complexes, comme subtilement déviées de leurs sources profondes, auxquelles ils s’alimentent pourtant. » (2)

 

Que faire aujourd’hui, nous qui portons intimement les séquelles de notre enfance ?

D’abord, oser le reconnaître, admettre que nos « parents n’ont pas eu des difficultés occasionnelles avec (nous), comme tout parent avec tout enfant, dans toute famille. La constance insidieuse ou brutale de leurs gestes destructeurs, de leurs paroles négatives, de leurs décisions dévalorisantes, a causé au fil des ans des dommages émotionnels, qui, comme des toxines, se sont répandus dans tout l’être de l’enfant. » (2)

 

Regarder la vérité en face est un pas des plus pénibles à accomplir parce qu’il nous oblige à laisser s’écrouler quelques mythes, entretenus par tant de paroles se voulant réconfortantes, qui nous répètent que nos parents ont fait ce qu’ils ont pu. Non, parfois, nos parents n’ont pas fait ce qu’ils ont pu. Parfois ils n’ont pas écouté nos cris de survie, n’ont pas voulu entendre nos demandes essentielles, ont bafoué notre personnalité naissante. Certains d’entre eux n’ont pas écouté les conseils éducatifs qui les auraient aidés, n’ont pas pris les mains tendues qui venaient à leur secours, certains d’entre eux nous ont battus comme plâtre, nous ont méprisés, délaissés, violés (au sens propre comme au sens figuré) ou nous ont simplement laissés « pousser comme des mauvaises herbes ». A se demander pourquoi ils nous ont faits…

 

C’est comme ça. Oui, « le mal est réel, nous dit encore Scott Peck dans son livre : Le chemin le moins fréquenté (3). « Il existe vraiment des gens et des institutions qui répondent par la haine à la bonté, et qui, dans la mesure de leurs possibilités, détruisent le bien. Et cela aveuglément, sans se rendre compte de leur malveillance dont ils évitent surtout de prendre conscience. (…) Ils détruisent la lumière qui vit en leurs enfants et chez tous les individus soumis à leur pouvoir (…) Plutôt que d’aider les autres à évoluer, ils les détruiront. » (3)

 

Mais notre propos n’est plus d’en faire le procès, « témoin à charge stérile d’un réquisitoire inutile », mais « d’être un porte-parole qui fait œuvre de dégagement et de libération. » (2)

 

Lorsque la vérité est reconnue, il ne s’agit en effet plus de se laisser aller « à toutes les tentations de combats ou de règlements de comptes inutiles » (2) mais pour nous, thérapeutes, d’aider nos patients à mieux comprendre pourquoi les maltraitances dont ils ont souffert petits opèrent encore, même parfois après le décès de leurs parents et à les accompagner sur le dur chemin de la libération.

 

Il y a un moment où il ne s’agit plus de faire l’inventaire de tout ce qu’on porte dans ce sac-à-dos qui nous alourdit tant sur notre chemin de vie, mais de s’en débarrasser !

 

Non, il n’est pas obligatoire d’aimer ses parents et paradoxalement, le reconnaître nous libère. Nous contribuerions à entretenir notre propre malheur en persistant à obéir à la croyance selon laquelle, parce que nous leur devons la vie, nous leur devons le respect, voire l’amour. Tant que nous ne modifions pas certaines de nos idées à leurs propos, qui telles des circonstances atténuantes continuent à les excuser, tant que nous n’abandonnons pas certaines de nos attentes, ô combien légitimes, attentes d’amour, de reconnaissance, d’être au moins entendu, compris, nous devrions considérer que, dans une certaine mesure nous participons passivement au maintien de notre souffrance intime.

Bien que nous ne soyons pas responsables d’une telle situation, nous avons néanmoins le pouvoir de faire en sorte qu’elle ne dure plus.

 

Non, il n’est pas obligatoire d’aimer ses parents, mais certainement moins de leur laisser, encore et toujours, le pouvoir de détruire notre vie, même insidieusement, même à leur insu.

 

Alors courage, rappelons-nous que nous sommes responsables de notre bonheur et que nous ne sommes pas seuls sur ce chemin. Un conjoint aimant, des amis bien choisis nous donneront peut-être confiance en nos pas, mais probablement qu’il nous faudra l’aide d’un thérapeute pour que cette empreinte ne soit pas indélébile au point de nous empêcher de renaître à la Vie et de refaire confiance à l’Amour…

 

Références :

(1) Isabelle Filliozat, Je t’en veux, je t’aime, ou comment réparer la relation à ses parents, aux éditions Jean-Claude Lattès, 2004 et Marabout, 2004.

(2) Susan Forward, Parents toxiques, comment se libérer de leur emprise, aux éditions Stock pour la traduction française, 1991, 1994, 1997, 1999, 2000, et Marabout, 2005

(3) Scott Peck, Le chemin le moins fréquenté, aux éditions Robert Laffont, 1987.

 

http://www.marieandersen.net/article.html

Rédigé par Kilou

Publié dans #En sortir

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L
<br /> <br /> bonsoir, j'ai fini par m'en remettre aux conseils de demander de l'aide, les dernières questions posées à ma mère m'ayant renvoyé vers un l'annonce d'un inceste tenu secret de famille de mon<br /> grand père maternel sur la soeur ainée de ma mère, devenue sa mère de substitution quand elle est devenue orpheline à 8 ans, j'ai décidé d'arrêter là mes questionnements et de passer à une phase<br /> plus importante pour moi à l'heure d'aujourd'hui, ma situation morale ne cessant de se dégrader depuis plusieurs mois.<br /> <br /> <br /> je dois dire qu'aprés quelques rendez-vous, je suis effarée du constat du psy, et véritablement effrayée, il résulte qu'il va me falloir travailler une dépendance affective, un manque d'autonomie<br /> sérieux d'où mes nombreuses peurs semble t'il, une timidité, une forte culpabilité, et une estime de soi à reconstruire ...pour les principales corrections urgentes à envisager, inutile de vous<br /> dire que je suis effondrée, je croyais mener ma vie et en fait c'est la vie qui m'a mené, et depuis que mes enfants vivent leur vie d'adultes, je m'effondre. ma principale crainte maintenant est<br /> de me demander si j'aurais la force nécessaire pour changer une personnalité qui est devenue la mienne au fil de toutes ces années, j'ai du mal à admettre d'avoir vécu de manière aussi "fausse"<br /> sans même jamais le savoir aussi longtemps, moi qui avait l'honnêteté pour valeur importante dans ma vie, j'ai l'impression d'avoir trompé tous ceux qui ont pu me cotôyer...et c'est une<br /> souffrance supplémentaire pour moi, malgré tout je suis bien consciente que cette thérapie est mon ultime chance de retrouver un intérêt à la vie que j'ai actuellement perdu, ma vie est teintée<br /> de gris, et il ne tient qu'à mo de changer cet état de fait, c'est vrai, mais j'ai très peur et je ne sais vraiment pas si j'en suis encore capable.<br /> <br /> <br /> Amities. <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> Il est normal que vous soyez perdue, il n'y a pas d'urgence à vous reconstruire, prenez votre temps La violence du constat de votre vie vous décourage mais vu les antécedents familiaux, je crois<br /> que vous avez eu beaucoup de courage à mener votre vie comme vous l'avez fait en partant avec un handicapdans votre inconscient.<br /> <br /> <br /> Toute votre vie vous avez su palier aux problème inhérents à votre situation, ça veut dire que vous avez toutes les capacités requises pour vous sortir de votre marasme.<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> <br /> vous avez des valises très lourdes, allez voir un psychothérapeute qui les prendra en charge, ça vous fera bcp de bien je vous l'assure! Le CMP c'est très bien, prenez rdv de suite parce que<br /> suivant les villes, il y a bcp d'attente.Bon courage.<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> En quelques mots, une violence psychologique exercée sur quelques enfants de la fratrie à des degrés divers, cris, brimades, insultes...étaient mon lot quasi quotidien, amplifiées par enfant<br /> interposé à la naissance d'une soeur devenue victime parce que me resemblant beaucoup, je n'ai pas souvenir de réels coups, des privations...qui m'ont conduite à une adolescence très chaotique et<br /> à un rôle de maman dans lequel j'ai commis beaucoup d'erreurs, mais plutôt par exces d'amour envers eux mais psychologiquement ils ont été touchés. ce que je ne m'explique pas surtout, c'est ce<br /> choix des enfants victimes au milieu du reste de la fratrie, je connais peu l'histoire de ma mère, orpheline à l'âge de 8 ans, élévée au foyer de sa soeur ainée, le manque de ses parents peut-il<br /> expliqué cette attitude?, je ne sais pas, le sentiment dominant de mon enfance est la terreur en tout, je pense que si je dois me faire aider, je me dirigerais  vers un CMP, budget modeste<br /> oblige, je suis incapable de ne pas l'aimer, j'irai presque à dire que me faire aimer ou tout au moins reconnaître d'elle comme ayant un droit à exister a été un moteur à ma vie, je ne sais faire<br /> autrement.<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> bonsoir, je suis un peu âgée, monvécu d'enfant et d'adolescente a été difficile et je ne suis pas bien actuellement, je n'ai jamais réussi à réellement m'éloigner de ma mère, malgrè tout, en plus<br /> maintenant elle est âgée et je ne me sens pas de lui refuser le droit de veillir en paix, j'ai cherché à comprendre le pourquoi, je n'ai aucune réponse, je voudrais savoir et en même temps j'ai<br /> peur de lui poser des questions, je ne sais pas du tout quelle serait sa réaction, notre fonctionnement est très particulier, elle dit qu'elle sait qu'elle a fait ds erreurs mais je ne sais pas<br /> si elle réalise l'impact qu'elles ont eu sur nos vies, c'est terrible ce qu'est devenu ma vie, je ne supporte plus vraiment celle que je deviens, j'ai peur de tout, de tous, des conflits<br /> physiques ou verbaux...je m'isole de plus en plus...amities<br /> <br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> J'ai envie en tout premier lieu de vous demander si vous vous faites aider...Je crois que vous avez besoin d'évacuer ce passé qui devient très très lourd.<br /> <br /> <br /> Voutre mère se pose en victime pour vous couper l'herbe sous les pieds certainement, elle sent que vous attendez des explications qu'elle ne veut pas (ou ne peut pas ) donner.Savoir pourquoi elle<br /> a fait ça (je ne connais pas votre histoire) vous oblige à chercher dans son passé propre, ce qu'elle a vécu pour garder cette empreinte.Elle n'a pas su s'en affranchir, elle n'a pas eu la<br /> capacité de se servir de ses blessures positivement, elle a continué à detruire autour d'elle.<br /> <br /> <br /> J'aimerais avoir votre avis là dessus.<br /> <br /> <br /> allez voir votre généraliste et entamez une psychothérapie, il n'y a pas d'age pour aller mieux.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> <br /> Aie, Aie, Aie, très affirmatif, j'ai bien réfléchi, malheureusement je crois que tu as raison.<br /> <br /> <br /> Au 1er abord je me dis le "forcément oui" est un peu rapide.<br /> <br /> <br /> Un ami chirurgien (qui connaissait bien mon ex-perverse) m'a dit que j'avais un problème pour être resté aussi lontemps avec un fille pareille.<br /> <br /> <br /> A chaque fois je n'y crois pas. J'ai trop confiance en moi.<br /> <br /> <br /> I. Nazare Aga dit une chose essentielle dans sa video; il y a union entre 2 pièces qui ont une faille et qui vont s'emboiter.<br /> <br /> <br /> Ma mère manipulatrice m'a habitué à croire ou accepter sa paranoïa et ses élucubrations.<br /> <br /> <br /> Dingue, dans le même temps je suis insensible aux manipulations médiatiques - contrarian pour mes investissements - je n'ai aucun problème à m'opposer à une assemblée de 100 personnes. Le pervers<br /> va venir me rejoindre et s'abriter derrière moi.<br /> <br /> <br /> Pas de doute je les attire.<br /> <br /> <br /> Dur travail sur moi-même.<br /> <br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> les relations professionnelles sont discociées du relationnel privé et c'est bien.<br /> <br /> <br /> Comprendre qu'on a un problème perso ouvre bien des portes mais attention sans te dévaloriser! Avoir grandi avec un tuteur tordu comme appui n'est , ni une faiblesse ni une tare, seules ta grande<br /> determination (que je sens dans tes récits) et ta lucidité te permettront de redresser tout ça.<br /> <br /> <br /> Le travail sur soi est certes difficile pour quelques raisons mais tellement liberateur que ça en vaut vraiment la peine!<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> <br /> Forcement oui, tu as été formaté dès le plus jeune âge...il y a un autre article sur l'enfant du Pn qui est très interessant, ça permet de comprendre ce qu'on est devenu:<br /> <br /> <br /> http://violence.morale.over-blog.com/article-l-enfant-du-pervers-48615174.html<br /> <br /> <br /> Bon courage ;)<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Ma mère est une manipulatrice de petit niveau. Elle a beaucoup joué sur la culpabilisation Dès 8 ans, je me souviens de ce genre de culpabilisation. A 12 ans, elle prennait exemple sur des<br /> familles ou tout se passait bien pour m'inciter à réagir contre mon père.<br /> <br /> <br /> Ces parents sont néfastes pour leurs enfants. Je pense notamment que cette "formation" rend vulnérable dans la vie et notamment face aux manipulateurs. J'ai été victime d'une manipulatrice (type<br /> timide - perverse pathologique) et je pense que ça a joué.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> Bonjour<br /> <br /> <br /> Ouh la la ça fait un moment que je lis des choses sur les pervers narcississiques et que j'ai appris à reconnaitre leur comportement.<br /> <br /> <br /> Mais là cette notion que rien ne nous oblige d'aimer nos parents deleur devoir respect et tout ça parce qu'ils sont nos géniteurs rentre en moi comme un verre d'eau fraiche !<br /> <br /> <br /> ça serait trop long à expliquer ici mais la lecture de cet article est une révélation et je crois qu'elle vamefaire prendre un sacré bon tournant dans ma thérapie entreprise depuis deux mois !<br /> <br /> <br /> Merci<br /> <br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> Alors bonne envolée!!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Merci Kilou, vraiment merci pour tes précieuses informations sur ce sujet<br /> <br /> <br /> <br />
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K
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