LA RELATION D’EMPRISE -G LOPEZ, psychiatre

Publié le 11 Décembre 2010

LA RELATION D’EMPRISE-G LOPEZ, psychiatre
 
L’emprise est une relation de soumission de l’autre, considéré comme une simple chose. Elle
s’établit au moyen de manipulations et de stratégies « perverses » plus ou moins subtiles qui se déploient dans les dimensions interpersonnelles, familiales, institutionnelles, sociales et
politiques. Elle constitue toujours un meurtre ou une tentative de meurtre psychique, le plus
souvent symbolique, commis parfois pour la « bonne cause »… lorsque l’autoritarisme, qu’il ne
faut pas confondre avec l’autorité bien comprise contenue dans des règles démocratiquement
admises, constitue une valeur familiale ou sociale partagée. Les stratégies d’emprise peuvent être utilisées par les personnes mal traitantes dans une dimension perverse et dans la répétition de
maltraitances transgénérationnelles.
Le « meurtre » est parfois évident, surtout en matière de violences faites aux enfants parce que l‘adulte, en position d’autorité, est fréquemment protégé par le déni qui entoure la maltraitance infantile. Il peut s’agir d’un « crime parfait » lorsqu’un enfant idolâtré est en réalité immolé sur l’autel de l’ancestralité et dressé à ne jamais penser par lui-même (il sera ainsi la victime désignée d’une secte totalitaire qui lui permettra de passer de l’emprise familiale à celle d’un gourou). Il peut s’agir d’un crime commis par délégation comme dans la vignette clinique suivante :
Tout un chacun peut recourir à des stratégies d’emprise, mais elles sont le mode de
comportement habituel des sujets qui se situent toujours au-dessus des lois et s’arrogent le droit de vie et de mort, au moins symbolique, sur leurs victimes. Les stratégies « d’embrouille » et de domination que les agresseurs savent déployer, sont d’autant plus redoutables, qu’habiles, beaux parleurs, toujours bien conseillés, ils ignorent tout sentiment de culpabilité : les vampires ne se voient pas dans le miroir.
Le désamour s’installe d’emblée, parfois dès la naissance, quand le rapport de domination
s’inscrit naturellement dans le fonctionnement familial ou institutionnel. Mais quand cela est
nécessaire, la séduction est une stratégie utile pour « apprivoiser » une proie jusqu’à ce que le
rapport de force permette les humiliations et toutes sortes d’attaques, d’une férocité croissante
(maltraitance, agressions sexuelles, harcèlements divers) : l’exclusion et la terreur sont l’arme
suprême des entreprises totalitaires.
L’isolement est une stratégie éprouvée. Les agresseurs sont experts pour monter les membres de la famille les uns contre les autres, attiser les antagonismes, colporter des rumeurs, divulguer des faux secrets, faire et défaire les alliances. Pour se défendre ou pour le plaisir de « tuer », ils savent porter des accusations sans preuve avec force et conviction. L’amalgame est hissé au rangde vérité, parce que les braves gens pensent qu’il n’y a pas de fumée sans feu, oubliant que le vampire, archétype du pervers… se déplace avec un nuage de brouillard que lui même suscite.
Les agresseurs utilisent le mensonge et les promesses mensongères. Ils culpabilisent subtilement leurs proies qu’ils parviennent toujours à faire douter. Ils trouvent toujours d’excellentes justifications pour justifier ses crimes. Ils sont passés maître dans l’art de la rhétorique perverse et manient, avec maestria, l’art du « double lien » face auquel il est impossible de se décider ou d’agir : « Si je te bats, c’est pour ton bien… », « Tu as raison ma chérie, dénonces-moi… mais n’oublies pas d’acheter des fleurs pour enterrer ta mère. », etc.
La règle d’or de toute entreprise totalitaire, qu’elle soit interpersonnelle, familiale, sociale ou
politique, consiste à ne jamais tenir compte des faits. « Les faits dépendent entièrement du
pouvoir de celui qui peut les fabriquer (Arendt, 1992) ». Cette surenchère permanente est la
condition de survie des stratégies totalitaires : le moindre arrêt de mouvement pourrait permettre une remise en question.
Le renversement des accusations constitue une tactique perverse bien rodée : il constitue la
signature du vampire. Le « vertueux père violeur par inceste », membre d’honneur d’une
association de pères en colère, reporte systématiquement la responsabilité de son acte criminel sur sa victime, prétendument vicieuse, séductrice, perverse « polymorphe ».
 Il est difficile de dénoncer ses parents, risqué d’affronter les puissants. Les victimes et
notamment les enfants victime d’emprise se heurtent à l’incompréhension générale : ils passent régulièrement pour fous, menteurs, à tort persécutées, ce qui les rend doublement victime. La famille ou certains adultes prennent souvent parti pour le bourreau quand l’autoritarisme est une valeur familiale partagée, parce que les indifférents, de « braves gens » ni pervers, ni paranoïaques, ont appris, par une éducation rigide, à se soumettre sans réfléchir et à s’incliner devant l’autorité des puissants, qui symbolise l’autorité familiale.
Lorsqu’ils sont mis en cause, les agresseurs sont prompts à former des groupements d’intérêts et à convaincre du bien fondé de leur principes éducatifs, même lorsqu’ils ont commis des actes criminels ou des délits réprimés par le code pénal : les réseaux pervers qui sont passés maîtres en manipulation des personnes, des institutions et des médias ; ils savent actionner les ressorts de l’indignation. Pourtant, le recours à la loi est, en bonne théorie, la meilleure façon de rétablir la vérité et de réinscrire les victimes dans la société.
Les complications cliniques sont nombreuses : l’état de stress post traumatique et les dépressions sont les complications les plus reconnues. Mais lorsque les attaques narcissiques et identitaires se multiplient, surtout si elles ont débuté dès le plus jeune âge, elles constituent des traumatismes répétitifs entraînant les troubles identitaires et narcissiques caractéristiques des « états limites »,
Complications habituelles et particulièrement graves de la maltraitance infantile à long terme,
comme le démontrent de plus en plus d’études épidémiologiques. Johnson, par exemple, a pu
prouver sur une cohorte de 640 enfants maltraités suivis pendant 15 ans, que la maltraitance
physique et les négligences augmentent les troubles de la personnalité indépendamment de la
morbidité psychiatrique parentale ; la maltraitance physique augmente la fréquence des
personnalités dépendantes définies selon les critères du DSM ; les négligences augmentent la
fréquence des personnalités narcissiques, borderline et passives dépendantes.
Une façon de lutter contre la relation d’emprise et de démonter patiemment les rapports de
domination totalitaires, de critiquer l’idéologie de la performance et de l’efficacité à tout prix (si
bien symbolisée par le « Loft » ou le « Maillon faible »…), et au contraire encourager les
initiatives de réinsertion en favorisant la solidarité au détriment des logiques d’exclusion.

 

REFERENCES
- Arendt H. (1992), Le système totalitaire, Editions du Seuil.
- Dejours C. (1998), Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale, Editions du
Seuil
- Dorey R. (1981), « La relation d’emprise », In Nouvelle Revue de Psychanalyse, n° 24.
- Hirigoyen M F. (1998), Le harcèlement moral, Syros.
- Lopez G. (2001), Le vampirisme au quotidien, L’Esprit du Temps.
- Lopez G, Portelli S et Clément S. (2° éd., 2007), Les doits des victimes : droit, audition,
expertise, clinique, Dalloz
- Racamier P C. (1995), L’inceste et l’incestuel, Les Editions du Collège.

Rédigé par Kilou

Publié dans #Les manipulateurs

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